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Entretien – Anne Laure Dinel

Anne-Laure Dinel

Anne-Laure Dinel dirige NutriBrain, cellule de transfert de technologie soutenue par la région Nouvelle-Aquitaine et portée par l’ADERA. Adossée au laboratoire NutriNeuro, cette cellule a pour objectif de mettre en évidence l’impact de la nutrition sur le « bien-être cérébral ».

Bordeaux Neurocampus : Comment en êtes-vous arrivée à travailler à NutriBrain ?

Anne-Laure Dinel : Après une formation d’ingénieure agroalimentaire j’ai effectué une thèse dans un laboratoire de nutrition portant sur l’impact de l’obésité sur la dépression.
C’est au cours de cette thèse que j’ai pu approfondir le lien entre recherche fondamentale et recherche appliquée avec des partenaires industriels.
Puis après un post-doctorat à Toulouse je suis revenue dans ce même laboratoire qui s’appelle maintenant NutriNeuro. J’ai alors travaillé sur un premier contrat entre le laboratoire et un partenaire industriel, contrat formalisé autour d’une collaboration de recherche.

C’est à la suite de cette expérience que nous avons décidé, avec la direction de NutriNeuro, de constituer cette cellule NutriBrain. L’objectif est de valoriser l’expertise du laboratoire auprès de partenaires industriels du secteur des compléments alimentaires et du secteur pharmaceutique pour leur proposer d’objectiver l’impact de leurs produits sur ce que nous pouvons appeler la « santé cérébrale ».

La cellule de transfert est un système très particulier, spécifique à la région Nouvelle-Aquitaine. Comment est-elle structurée ?

C’est une entité privée adossée au laboratoire de recherche NutriNeuro et portée par l’ADERA, une filiale de plusieurs établissements publics dont l’Université de Bordeaux ou encore Bordeaux INP.
Il y a vraiment un rapport gagnant-gagnant puisque la cellule NutriBrain bénéficie du support administratif de l’ADERA, de l’expertise et du matériel de NutriNeuro et en contre-partie cela permet de structurer et d’organiser la recherche partenariale au laboratoire et de créer un guichet d’entrée pour le développement de nouvelles collaborations. En tant que responsable de la cellule, je monte donc des projets de recherche comme les autres chercheurs, mais uniquement avec des partenaires industriels.

Comment se traduisent ces collaborations entre la cellule, le laboratoire et les industriels ?

La cellule de transfert n’a pas pour vocation à porter des contrats de collaboration, elle fait juste de la prestation. Pour autant, elle est là pour aider à la structuration de ces contrats qui sont portés par le laboratoire. C’est à ce titre que nous collaborons sur le projet SilverBrainFood, qui est un contrat de type PSPC (‘projet structurant de recherche et développement pour la compétitivité’), porté par Bpifrance et dont l’objectif est de valoriser le partenariat entre industriels et académiques. Dans ce projet nous avons deux partenaires académiques, le laboratoire NutriNeuro ainsi que BPH – Bordeaux Health Center et des partenaires industriels dont Activ’Inside.
De la même façon, nous venons d’obtenir un PIA4 (appel à projets « Besoins alimentaires de demain ») avec plusieurs partenaires industriels, Abyss Ingredients, NutriDry et Seprosys ainsi qu’un partenaire académique, le LIENSs à La Rochelle.

Dans ces deux cas, la cellule de transfert NutriBrain et le laboratoire NutriNeuro construisent les projets d’un point de vue scientifique et technique, NutriBrain aide à les structurer de par son expertise dans les collaborations industrielles, NutriNeuro porte la collaboration et Bpifrance et les partenaires industriels le financent.

Quels types d’études proposez-vous à vos partenaires industriels dans votre offre de prestation ?

Nous avons une expertise forte sur les aspects santé cérébrale, trajectoire cognitive et sur la façon dont la nutrition peut moduler les capacités cognitives au cours de l’âge ou encore avoir un impact sur l’anxiété et la dépression.

Nous proposons à nos partenaires des modèles précliniques de culture cellulaire et des modèles précliniques in vivo, dans lesquels les comportements cognitifs et émotionnels sont évalués chez la souris après supplémentation. Quand nous avons suffisamment de preuves d’efficacité, nous pouvons décider avec le partenaire industriel de monter une étude clinique.

C’est très important pour nous d’apporter notre expertise aux industriels. Pendant longtemps on a reproché au secteur du complément alimentaire de mettre sur le marché des produits qui n’avaient pas vraiment d’effets et de tromper le consommateur.

Maintenant les industriels sont dans une optique différente. Il y a une forte mise en concurrence et ils se doivent d’apporter des preuves santé de leurs produits. Il y a donc une réelle recherche scientifique d’une preuve d’efficacité de leurs nutriments, mais aussi de la compréhension des mécanismes d’action.

De plus, nous devons être en mesure de vulgariser les résultats obtenus auprès de nos partenaires privés. Nous les accompagnons également dans la communication des résultats et nous veillons à ce qu’elle rapporte les résultats, sans excès, pour rester strictement dans une valorisation scientifique.

Est-ce que vous appliquez la même expertise de communication pour atteindre un public plus large sur ces questions de santé cérébrale et de nutrition ?

Notre objectif premier est de vulgariser notre recherche et nos résultats auprès de nos partenaires industriels.
Mais finalement nous travaillons souvent sur des questions de santé publique, sur la santé cognitive au cours du vieillissement, sur la dépression. Donc c’est aussi un objectif important du laboratoire NutriNeuro et de la cellule NutriBrain de communiquer auprès du grand public.
Il y a une éducation nutritionnelle qui doit absolument être faite pour pouvoir changer certaines habitudes. Nous savons par exemple que la nutrition occupe une part importante dans l’augmentation du surpoids et de l’obésité de la population dans notre société. Nous savons aussi, par des études dont certaines ont été menées au laboratoire NutriNeuro, que la nutrition par des régimes méditerranéens et des régimes riches en oméga 3 ou en polyphénols, permettent de prévenir le déclin cognitif lié à l’âge et à des pathologies neurodégénératives.
C’est pour nous un enjeu de santé publique majeur de développer et de mettre en place, auprès de la population, des stratégies de prévention du déclin cognitif, qu’il soit normal ou pathologique, et des troubles anxieux et dépressifs.


Cet entretien est le premier d’une nouvelle série qui se poursuivra en septembre. Propos recueillis par Julien Campet.

Publication: 20/07/23
Mise à jour: 20/07/23