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Un nouveau modèle du fonctionnement cérébral

Source : communiqué du CNRS


Les scientifiques viennent de publier, dans la revue Science, la proposition d’un nouveau modèle du fonctionnement du cerveau humain. Suivant ce modèle les fonctions ne seraient pas localisées mais émergeraient de l’échange entre régions plaçant ainsi les connexions cérébrales au cœur du fonctionnement du cerveau.  Il s’agit d’un véritable renversement conceptuel dans la recherche en neurosciences humaines qui motivera l’étude des fonctions et des pathologies cérébrales sur la base de leur schéma de connexions et déconnexions.

Les idées nouvelles naissent souvent d’une interaction étroite entre des esprits. Par conséquent, ces idées n’appartiennent pas uniquement à l’un de ces esprits mais sont plutôt le fruit de leur intégration – une propriété émergente de l’échange et de l’interaction mutuels.

En 2004, Ernst Mayr a écrit : “Aucun système complexe ne peut être compris si ce n’est par une analyse minutieuse ; cependant, les interactions des composants doivent être considérées autant que les propriétés des composants isolés.” Les neurosciences ne sont pas différentes et les scientifiques proposent ici un nouveau modèle du fonctionnement cérébral où les fonctions sont une propriété émergente de l’interaction entre les zones du cerveau. Ainsi, l’activité cérébrale spécifique à une fonction implique l’effort d’intégration de plusieurs régions du cerveau. Les connexions de la substance blanche favorisent cette intégration en interconnectant les régions du cerveau. Ces circuits créent des réseaux en reliant de nombreuses régions cérébrales pour orchestrer une symphonie cérébrale conduite par des connexions finement ajustées, de calibre et de myélinisation variables, adaptées à leur rôle fonctionnel.

Les connexions cérébrales ne se limitent toutefois pas au simple transfert de signaux entre les régions du cerveau. Les connexions peuvent amplifier ou réduire les signaux cérébraux et déterminer la structure et la fonction corticale du cerveau. Plus précisément, il existe une relation forte entre le profil de connexions des régions du cerveau et leur activité pendant des tâches cognitives. Par exemple, il est possible de prédire où une fonction apparaîtra dans le cerveau du petit enfant sur la base des seules projections corticales des connections cérébrales. C’est le cas pour la zone « classique » de la lecture qui peut être localisée chez les enfants avant même l’acquisition de la lecture. Les connexions cérébrales déterminent donc l’organisation fonctionnelle du cerveau car elles assurent l’échange entre les régions cérébrales, soutenant ainsi l’émergence des fonctions et devraient donc se trouver au cœur des modèles du fonctionnement cérébral.

Si les scientifiques adhèrent à ce nouveau modèle, ils devront créer des réseaux professionnels, intégrer leurs idées et partager ouvertement leurs données. Ensemble, ces efforts pousseront la recherche sur la connectivité cérébrale à intégrer plusieurs modalités d’imagerie (par exemple, la substance blanche fonctionnelle), à formuler de nouveaux cadres (par exemple, la neurovariabilité) et à favoriser notre compréhension du développement et de l’évolution du cerveau (neuroimagerie comparative et neuroécologie). Cela devrait conduire à des méthodes de neuro-imagerie avancées, à des modèles anatomiques personnalisés et à un impact clinique significatif.

Figure : Vue sagittale de l’estimation du diamètre axonal (le calibre) du corps calleux reliant les deux hémisphères cérébraux chez l’être humain vivant. On peut voir ici l’ajustement fin du calibre des connexions cérébrales aux besoins fonctionnels du cerveau. Crédit: Michel Thiebaut de Schotten

Référence

The emergent properties of the connected brain
Michel Thiebaut de Schotten & Stephanie Forkel
Science 3 novembre 2022. DOI: 10.1126/science.abq2591

Publication: 04/11/22
Last update 17/11/22