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Rôle du polymorphisme TaqI1/Ankk1 dans le contrôle des addictions et du métabolisme

Source : CNRS


L’obésité est aujourd’hui un problème de santé publique majeur dans le monde, et comprendre ses mécanismes est essentielle pour développer de nouvelles thérapies. Dans une étude parue dans Biological Psychiatry, les scientifiques, dont des chercheuses et chercheurs de NutriNeuro, se sont penchés sur le rôle du polymorphisme TaqIA, situé dans le gène codant pour la protéine Ankyrin repeat and kinase domain containing 1 (ANKK1) et qui affecte 30-80% de la population et est associé aux comportements addictifs et à l’obésité. Ils mettent en lumière les mécanismes d’action par lesquels ANKK1 affecte l’activité des neurones du circuit de la récompense et contrôle ainsi les comportements associés à la récompense ainsi que le métabolisme.

L’obésité a atteint un niveau pandémique et il est urgent d’identifier les facteurs de vulnérabilité et ou de protection qui prédisposent à cette maladie. Si la surconsommation d’aliments riches est aujourd’hui clairement identifiée comme l’un des principaux coupables, de nombreuses études montrent que le développement de l’obésité et des troubles qui en découlent résulte d’une interaction entre les gènes et l’environnement.

En effet, bien que les aliments riches en calories soient pratiquement omniprésents, l’obésité ne touche pas tous les individus, suggérant que des variantes génétiques spécifiques seraient à l’origine de l’interaction entre les gènes et l’environnement dans la promotion de la progression de la maladie. Le cerveau est maintenant reconnu comme le principal tissu cible de l’action délétère de la surcharge en nutriments dans le développement des dysfonctionnements métaboliques, comportementaux et cognitifs associés à l’obésité. En particulier, diverses études cliniques et précliniques suggèrent que les sujets obèses présentent des altérations du système de récompense à la dopamine que l’on retrouve aussi dans des maladies psychiatriques comme le déficit d’attention et l’hyperactivité, la dépendance et la dépression.

Dans ce contexte une attention grandissante est portée aux facteurs génétiques qui pourraient conférer une susceptibilité aux développements de ces pathologies. Le polymorphisme le plus étudié dans les maladies psychiatriques est appelé TaqIA. Affectant 30-80% de la population, ce polymorphisme est notamment associé chez l’homme à un dérèglement du système de la récompense, à une vulnérabilité accrue au développement de comportements addictifs et à l’obésité.

Le polymorphisme TaqIA est situé dans le gène qui code pour la kinase Ankyrin repeat and kinase domain containing 1 (ANKK1) près du gène du récepteur de la dopamine de type 2 (DRD2). A ce jour aucun mécanisme n’est connu pour expliquer comment cette mutation joue un rôle dans ces pathologies.

Dans cette étude, les scientifiques ont développé un modèle murin dont le gène Ankk1 est invalidé dans le système nerveux central. Ils montrent que, chez la souris, la délétion de ce gène dans des régions clés du système de la récompense induit des perturbations du comportement comparables aux phénotypes des porteurs de TaqIA A1. Ils démontrent ainsi pour la première fois un rôle clé de cette protéine dans les mécanismes réglant la réponse à la récompense. De plus les scientifiques ont découvert chez le rongeur une modification du métabolisme des lipides à l’échelle de l’organisme associée à la perte d’Ankk1. Ils ont également démontré dans cette même étude que la variation de ce polymorphisme chez l’homme se traduit aussi par un phénotype métabolique similaire.

Le polymorphisme TaqIA est très répandu dans la population. En démontrant le rôle du gène portant cette mutation, de nouvelles perspectives vont permettre de comprendre comment l’environnement nutritionnel peut conduire à des dérèglements du comportement et du métabolisme. Ces travaux pourront ouvrir la voie à une médecine personnalisée dans laquelle la présence de ce polymorphisme pourrait aider à développer des thérapies ciblées pour résorber les troubles psychiatriques et métaboliques associés aux nourritures riches.

Figure : Le polymorphisme TaqIA affecte 30-40% de la population humaine et corresponds à une substitution A2 (TàC) en position 2137 du gène codant pour la protéine Ankyrin repeat and kinase domain containing 1 (ANKK1) E[GAG]àK [AAG] en position 713 de la protéine ANKK1. Chez l’homme la présence du variants A1 est associé à un dérèglement du réseau de la dopamine, à des troubles addictifs et métabolique. L’invalidation du gène codant pour Ankk1 chez le rongeur démontre son rôle, au sein du circuit de la récompense, dans le contrôle de l’activité des neurones dopaminoceptifs portant le récepteur de type 2 à la dopamine (D2R) qui se traduit par un phénotype qui rassemble les traits observés chez les porteurs humains. De plus, la manipulation d’Ankk1 affecte le métabolisme chez le rongeur de manière similaire à celle observée chez l’homme en comparant la présence des variants A1/A2 de ce polymorphisme. Crédits : Serge Luquet

Référence

The addiction-susceptibility TaqIA/Ankyrin repeat and kinase domain containing 1 kinase (ANKK1) controls reward and metabolism through dopamine receptor type 2 (D2R)-expressing neurons. 
Enrica Montalban*, Roman Walle, Julien Castel, Anthony Ansoult, Rim Hassouna, Ewout Foppen, Xi Fang, Zach Hutelin, Sophie Mickus, Emily Perszyk, Anna Petitbon, Jérémy Berthelet, Fernando Rodrigues-Lima, Alberto Cebrian-Serrano, Giuseppe Gangarossa, Claire Martin, Pierre Trifilieff, Clémentine Bosch-Bouju, Dana M Small, Serge Luquet*
. *co corresponding.
Biol Psychiatry. 2023 Feb 16:S0006-3223(23)00084-7.
Doi: 10.1016/j.biopsych.2023.02.010.

Première autrice

Enrica Montalban, affiliée à l’université Paris Cité pour cette publication, a rejoint l’équipe NutriPsy de NutriNeuro en 2022.

Publication: 01/06/23
Last update 06/06/23