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Traitement de l’épilepsie pharmaco-résistante par la thérapie génique

Human hippocampus from epileptic patient infected with a viral vector. Crédit : Séverine Déforges
HIppocampe humain provenant de patients épileptiques infectés avec un vecteur viral. Crédit : Séverine Déforges

Les équipes de Christophe Mulle et de Valérie Crépel démontrent que l’injection localisée d’un vecteur viral ciblant les récepteurs kaïnate GluK2/GluK5 dans l’hippocampe, constitue une stratégie de thérapie génique très prometteuse pour contrôler le déclenchement des crises chez les patients épileptiques pharmaco-résistants. Se fondant sur la stratégie de thérapie génique décrite dans l’article d’Annals of Neurology, la compagnie néerlandaise uniQure qui a racheté la start-up Corlieve Therapeutics –dont Valérie Crépel et Christophe Mulle ont été les co-fondateurs scientifiques– lancera prochainement un essai clinique de phase I/IIa aux États-Unis pour traiter l’epilepsie du lobe temporal pharmaco-résistante.


Cet article est le fruit d’une collaboration de longue date entre Christophe Mulle (IINS) et Valérie Crépel (INMED, Inserm, Marseille). Il constitue une étape clef dans le développement d’une approche de thérapie génique pour le traitement de l’épilepsie du lobe temporal. L’épilepsie, qui consiste en une excitation synchronisée et anormale d’un groupe de neurones plus ou moins étendu du cortex cérébral touche environ 600 000 personnes en France. L’épilepsie du lobe temporal est la forme d’épilepsie la plus fréquente chez l’adulte, la zone atteinte se trouvant principalement dans l’hippocampe. Le traitement médical, par l’utilisation de médicaments antiépileptique qui ont pour but de normaliser l’hyperactivité des circuits corticaux, est efficace dans 70% des cas. Pour les formes pharmacorésistantes, il ne reste souvent que la possibilité de résection chirurgicale. C’est dans ce contexte que les deux équipes ont développé un projet translationnel ciblant les récepteurs du glutamate de type kaïnate.

Ce projet se fonde sur l’hypothèse que les récepteurs kaïnate de type GluK2/GluK5 localisés de manière ectopique au niveau des synapses aberrrantes formées par le bourgeonnement des axones de cellules granulaires du gyrus denté, jouent un rôle de détonateur dans le déclenchement des décharges épileptiques dans l’hippocampe. En 2014, une première étude de ces chercheurs avait démontré chez la souris que la suppression génétique de grik2, le gène codant pour la sous-unité GluK2 des récepteurs de glutamate de type kaïnate, ou l’inhibition pharmacologique des récepteurs GluK2/GluK5, conduisait à une réduction du nombre de crises spontanées et récurrentes observées chez une souris modèle de l’épilepsie du lobe temporal. Un brevet avait été déposé indiquant GluK2/GluK5 comme une cible potentielle pour traiter l’épilepsie du lobe temporal.

Christophe Mulle et Séverine Deforges. Dans l’encadré : Valérie Crépel

Dans l’article de « Annals of Neurology », les équipes de Valérie Crépel et Christophe Mulle (et dans son équipe travail réalisé principalement par Séverine Deforges, IR CNRS), ont choisi de développer une stratégie basée sur les ARN interférents pour réduire l’expression du gène grik2 localement dans l’hippocampe. L’article décrit la stratégie de sélection de séquences d’ARN interférent dans des modèles cellulaires, et la production d’un vecteur viral qui permetl’expression d’un microARN anti-grik2 dans les neurones de l’hippocampe. Ce vecteur viral a été injecté in vivo chez la souris épileptique, et administré dans des tranches organotypiques d’hippocampe issues de résection chirurgicale de patients épileptiques. L’article démontre l’efficacité de ce vecteur viral pour diminuer l’expression de grik2 et du niveau de GluK2 dans l’hippocampe, et in fine de réduire l’activité épileptique chez la souris in vivo, et les décharges épileptiformes dans les tranches organotypiques d’hippocampe humain.

En conclusion, l’injection localisée d’un vecteur viral ciblant l’expression de grik2 dans l’hippocampe, constitue une stratégie de thérapie génique très prometteuse pour contrôler le déclenchement des crises chez les patients épileptiques pharmaco-résistants.

Le travail décrit dans cet article s’accompagne d’une stratégie de développement industriel du médicament que Valérie Crépel et Christophe Mulle ont entreprise depuis plusieurs années avec le soutien d’Aquitaine Science Transfert, Inserm Transfer et le fonds d’investissement Kurma Partners. Valérie Crépel et Christophe Mulle ont été les co-fondateurs scientifiques de la start-up Corlieve Therapeutics en octobre 2019, entreprise qui a été rachetée en juillet 2021 par uniQure, une compagnie néerlandaise spécialisée dans le développement de thérapie génique pour des maladies neurologiques.

En septembre 2023, en parallèle de la publication de l’article dans Annals of Neurology, uniQure a publié un communiqué de presse, annonçant « l’approbation par la FDA de la demande de nouveau médicament de recherche pour la thérapie génique AMT-260 pour l’épilepsie réfractaire du lobe temporal mésial » « AMT-260 comprend un vecteur AAV9 qui délivre localement deux miARN conçus pour dégrader le gène GRIK2 et supprimer l’expression aberrante de GluK2».

En conséquence, utilisant la stratégie de thérapie génique décrite dans l’article d’Annals of Neurology, uniQure lancera un essai clinique de phase I/IIa chez l’homme qui sera mené aux États-Unis au début de 2024.

Référence de l’article

GluK2 Is a Target for Gene Therapy in Drug-Resistant Temporal Lobe Epilepsy
Céline Boileau*, Séverine Deforges*, Angélique Peret*, Didier Scavarda, Fabrice Bartolomei, April Giles, Nicolas Partouche, Justine Gautron, Julio Viotti, Haley Janowitz, Guillaume Penchet, Cécile Marchal, Stanislas Lagarde, Agnès Trebuchon, Nathalie Villeneuve, Julie Rumi, Thomas Marissal, Roustem Khazipov, Ilgam Khalilov, Fanny Martineau, Marine Maréchal, Anne Lepine, Mathieu Milh, Dominique Figarella-Branger, Etienne Dougy, Soutsakhone Tong, Romain Appay, Stéphane Baudouin, Andrew Mercer, Jared B. Smith, Olivier Danos, Richard Porter, Christophe Mulle#, Valérie Crépel#
2023. Annals of Neurology
doi:10.1002/ana.26723
*co-premiers auteurs, # co-senior auteurs

 

Communiqué de presse UniQure

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Publication: 24/10/23
Mise à jour: 02/11/23