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Nouvelles dimensions pour les récepteurs glutamatergiques NMDA dans le fonctionnement cérébral

Source : INSB

Notre cerveau est un immense réseau de neurones qui communiquent via des connexions appelées synapses pour traiter les informations que nous percevons. Les récepteurs NMDA du glutamate contrôlent la formation et la plasticité de ces synapses. Dans un article publié dans la revue Neuron, des chercheurs de l’équipe de Laurent Groc rapportent qu’un contrôle dynamique de la composition et de l’organisation de ces récepteurs aux synapses régule la plasticité cérébrale. Ils exposent également comment des altérations de ce contrôle fin sont associées au développement de maladies mentales et neurologiques.

Comprendre comment le cerveau traite et stocke les informations est un des grands enjeux scientifiques actuels. Quatre décennies de travaux ont permis d’établir que ces processus impliquent des modifications de l’efficacité des connections entre neurones, les synapses, en réponse aux changements d’activité cérébrale. Au niveau moléculaire, ces travaux ont également révélé le rôle central joué par des protéines synaptiques, les récepteurs NMDA (NMDAR) du glutamate – le principal neurotransmetteur en charge des communications neuronales – dans la plasticité cérébrale et la formation de la mémoire. Si la perméabilité au calcium de ces récepteurs leur permet d’initier des vagues de signalisation modifiant la quantité de neurotransmetteur libéré et de récepteurs présents aux synapses, de nombreuses zones d’ombres persistent encore quant à leur fonctionnement. Comment se fait-il que le nombre et la composition des NMDAR aux synapses puissent changer radicalement en quelques dizaines de secondes ? Pourquoi sont-ils capables d’induire des formes de plasticité même quand leur perméabilité au calcium est bloquée ? Quels sont les bases et les impacts de ces mécanismes inattendus sur les propriétés des synapses et le fonctionnement cérébral ?

Dans cet article, les scientifiques expliquent comment le développement des techniques de microscopie à haute résolution a révolutionné nos connaissances et révélé que le paysage synaptique est beaucoup plus dynamique et complexe qu’on ne l’imaginait ! Non seulement les récepteurs NMDA ne sont pas distribués de manière aléatoire aux synapses, mais leur organisation en domaines de signalisation nanométriques est finement régulée et peut être remodelée en quelques secondes par des mouvements rapides de diffusion dans la membrane plasmique. Cette propriété fondamentale permet aux synapses de rapidement s’adapter et changer de statut pour encoder l’information. L’utilisation d’approches d’imagerie structurale et fonctionnelle montre en outre que la liaison du glutamate au NMDAR suffit à activer certaines voies de signalisation favorisant la plasticité neuronale indépendamment de leur capacité à faire entrer du calcium dans les cellules, une dimension nouvelle qui modifie profondément notre compréhension du fonctionnement de ces protéines. Plus inattendu encore, des travaux récents montrent que l’altération de ces propriétés nouvellement caractérisées des NMDAR pourrait entraîner de graves dysfonctionnements des synapses participant au développement de maladies neurologiques et psychiatriques. La présence dans le cerveau de patients atteints de troubles psychotiques d’auto-anticorps perturbant l’organisation et l’ancrage synaptique des NMDAR, et l’activation via les récepteurs de voies de signalisation indépendantes du calcium par le peptide b-amyloïde suggèrent par exemple des implications possibles dans la schizophrénie ou la maladie d’Alzheimer. Une exploration plus poussée permettra peut-être dans le futur le développement de nouveaux outils moléculaires et pharmacologiques pour contrôler ces paramètres et proposer de nouvelles stratégies thérapeutiques pour le traitement de certaines pathologies cérébrales.

Figure : A gauche, trajectoires de centaines de récepteurs NMDA à la surface de neurones de l’hippocampe. En incrustation, emplacement des synapses marquées à l’aide d’une protéine fluorescente sur une portion de neurone. A droite, représentation schématique de cinq dimensions majeures du fonctionnement des récepteurs NMDA : leurs propriétés de canal ionique, leur expression, leur contenu et leur organisation synaptique et extrasynaptique, et leur trafic à la surface cellulaire. En incrustation, nanodomaines de synaptiques de récepteurs. – Crédit : Zoë Jamet / Julien Dupuis / Laurent Groc, CNRS

 

Référence

NMDA receptor functions in health and disease: old actor, new dimensions
Julien Dupuis, Olivier Nicole, Laurent Groc
Neuron (2023).
https://doi.org/10.1016/j.neuron.2023.05.002

Contact

Laurent Groc

Publication: 26/06/23
Mise à jour: 21/07/23