Microgravité pour Florent Paclet

Sur le tarmac de l'aéroport de Mérignac, devant les locaux de NOVESPACE, l'équipe du projet GENEPI avant le départ du vol zero-g, le matin. De gauche à droite: Florent PACLET, Etienne GUILLAUD, Dominique GUEHL, Franck QUAINE, Frédéric DANION.
Sur le tarmac de l’aéroport de Mérignac, devant les locaux de NOVESPACE, l’équipe du projet GENEPI avant le départ du vol zero-g, le matin. De gauche à droite: Florent PACLET, Etienne GUILLAUD, Dominique GUEHL, Franck QUAINE, Frédéric DANION.

Récemm

ent recruté MCF (Septembre 2014) à l’Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d’Aquitaine (INCIA, UMR 5287 Université Bordeaux – CNRS) et sur la faculté des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS, Université Bordeaux).


Bordeaux Neurocampus : Florent Paclet, quel est l’objectif de ce projet qui vous emmène dans l’Airbus AIR ZERO G du CNES ?

Florent Paclet : L’objectif de ce projet est donc d’identifier les processus impliqués dans la préhension humaine au travers d’expérimentations de saisie dans différentes conditions de pesanteur.
En collaboration avec la Plateforme d’Analyse du Mouvement (Etienne GUILLAUD) qui a déjà réalisé plusieurs expériences en micropesanteur, l’équipe HYBRID vient de finir une campagne de vols paraboliques avec NOVESPACE et le CNES (Centre National des Etudes Spatiales). Le projet GENEPI (Grasping Evaluation in New Environment for Proprioception Investigation) conduit par Florent PACLET (coordinateur scientifique) et Etienne GUILLAUD (coordinateur technique) a embarqué 2 sujets et 2 expérimentateurs par vols sur 3 jours afin de déterminer quels sont les réponses du système nerveux aux différentes contraintes de pesanteur.Les résultats sont en cours de traitement et le CNES a accepté notre demande à la participation d’une seconde campagne en avril 2017″

BN : Saisir un objet est une opération complexe ?

FP : La préhension est une tâche extrêmement complexe qui nécessite la mobilisation de nombreux segments. Il est commun d’imaginer le geste de préhension au niveau des doigts. Cependant la mise en place de la saisie d’un objet met en jeu toute la chaîne du membre supérieur, incluant les muscles du tronc pour stabiliser l’épaule et le bras.

L’équipe HYBRID du laboratoire INCIA (CNRS UMR 5287) a pour but la compréhension du fonctionnement du système sensorimoteurs humain. Pour cela plusieurs thématiques de recherche fondamentales sont en place et menées par différents chercheurs (Daniel CATTAERT, Florent PACLET) sous la direction de Aymar DE RUGY.
Le thème 5 (Hand Biomechanics) vise à comprendre comment notre système nerveux sélectionne une solution particulière parmi une infinité d’autres options, rendus possibles par les différents niveaux de redondances présents lors de la réalisation du geste. Le SNC doit résoudre ce problème de redondance et choisir parmi l’infinité de solutions possibles. Pour cela, le système nerveux met en place des lois de contrôle moteur pour la plupart totalement inconscientes.

Par exemple, durant la préhension en condition terrestre, une « marge de sécurité » est typiquement mise en place de manière inconsciente, et consiste à appliquer une force de préhension plus élevée que la force minimale nécessaire pour la saisie d’un objet déterminé. Ce phénomène est proportionnel au poids de l’objet déterminé sur la base des retours sensoriels. Il a ainsi été montré que l’ajout d’un poids attaché à l’avant-bras entrainait une mauvaise estimation du poids de l’objet, qui se traduisait in fine par une augmentation de la « marge de sécurité ». Cela suggère que le poids des segments corporels (bras et avant-bras) est pris en compte dans l’anticipation du poids d’un objet.

BN : On en vient à l’intérêt du vol en apesanteur  !

FP : En micropesanteur, le poids des segments sera supprimé et nous pensons que la limite basse de la « marge de sécurité » sera inférieure à celle mise en place en pesanteur terrestre. Nous observerons aussi le comportement des sujets lors de la phase d’hyperpesanteur (1.8g) afin de tester l’existence d’un effet inverse, à savoir, une augmentation de la force de préhension supérieure à celle qui correspondrait normalement à 1.8 fois le poids de l’objet. L’objectif de ce projet est donc d’identifier les processus impliqués dans la préhension humaine au travers d’expérimentations de saisie dans différentes conditions de pesanteur.

BN : Quelles seront les applications pratiques de ces études en micropesanteur et hyperpesanteur ?

FP : Cette étude permettra de mieux connaitre les processus automatisés du contrôle moteur humain en condition gravitaires normales et également dans les conditions de micropesanteurs, ce qui fournira des pistes sur la conception des outils manuels et la façon la plus juste de les utiliser dans les vols spatiaux habités.

Les résultats pourront également servir à des applications biomédicales, comme par exemple à l’élaboration d’algorithmes permettant une automatisation et une amélioration du contrôle de la saisie d’objets à l’aide de prothèses bioniques du membre supérieur. Dans un avenir proche, nous espérons pouvoir proposer un projet à l’ESA (Agence Spatiale Européenne) en collaboration avec Florent COLLOUD (MCF au laboratoire PPrime de Poitiers). L’idée du projet est assez ambitieuse et porterai sur le problème de la fonte musculaire des spationautes présents dans l’ISS (Station Spatiale Internationale) ou les vols habités comme par exemple les missions sur Mars.

Bordeaux Neurocampus remercie  l’équipe HYBRID du laboratoire INCIA: Daniel CATTAERT, Etienne GUILLAUD et  Florent PACLET sous la direction d’ Aymar DE RUGY. 


Micropesanteur avec une vue globale de l’avion »
Enregistrement d'un essai en micropesanteur.
Enregistrement d’un essai en micropesanteur.
Inspection du matériel avant les paraboles.
Inspection du matériel avant les paraboles.
Placement des électrodes EMG sur le bras du sujet entre la 15e et 16e parabole (changement de sujet).
Placement des électrodes EMG sur le bras du sujet entre la 15e et 16e parabole (changement de sujet).
Phase de micropesanteur durant une parabole
Phase de micropesanteur durant une parabol6

 

LE COORDINATEUR SCIENTIFIQUE DU PROJET GENEPI

Florent Paclet
Doctorat en Biomécanique (Université de Grenoble, 2010).

Thèse de Doctorat 2007-2010 (UMR 5216 GIPSA-Lab de Grenoble ; directeur de thèse F. QUAINE)

Post-Doctorat 2012-2013 (laboratoires de Biomécanique et de Contrôle Moteur de Penn State, Pennsylvanie, USA. Dir. VM ZATSIORSKY et ML LATASH).
Post-Doctorat 2014 (laboratoire UMR 5216 GIPSA-Lab de Grenoble ; dir. V. CAHOUET)

Publications

Paclet F., Ambike S., Zatsiorsky V.M., Latash M.L. (2014). Enslaving in serial chains. Interaction between grip force and hand force in isometric tasks. Experimental Brain Research. 232:775–787

Ambike S., Paclet F., Latash M.L., Zatsiorsky V.M. (2013). Grip-force modulation in multi-finger prehension during wrist flexion and extension. Experimental Brain Research. 227: 509–522.

Paclet F. and Quaine F. (2012). Motor control theories improve biomechanical model

 

AIR ZERO G

Les vols paraboliques sont effectués à bord d’un Airbus A310 pour les vols Air Zero G, qui suit un profil de vol alternant des manœuvres de montées et de descentes espacées de paliers. Ces paraboles, permettent chacune d’obtenir jusqu’à 22 secondes d’apesanteur. Pendant chacune d’elles, les objets et les personnes à bord ne ressentent plus la gravité, et peuvent flotter librement dans la cabine de l’avion.
Puis le pilote tire progressivement sur le manche et l’avion cabre jusqu’à atteindre une assiette de 47°, à une altitude d’environ 25000 ft. Durant cette phase, appelée « ressource d’entrée », une forte pesanteur apparente ou hypergravité s’instaure : les passagers pèsent 1,8 fois leur poids sur Terre.

 

Publication: 09/11/16
Mise à jour: 17/05/19