Laurent Groc dans Nature avec ExtraBrain !

Le 28 novembre 2016

Des physiciens et neurobiologistes du CNRS, de l’université de Bordeaux et de de l’Institut d’Optique Graduate School, ont développé une nouvelle approche de pointe basée sur l’imagerie de nanotubes de carbone, un par un, dans le cerveau.

Les avancées de cette recherche interdisciplinaire pourront être utilisées afin de mieux comprendre certains troubles psychiatriques et les maladies neuro-dégénératives du cerveau. Ces travaux sont publiés aujourd’hui dans la revue internationale Nature Nanotechnology.

“Single-nanotube tracking reveals the nanoscale organization of the extracellular space in the live brain” Antoine G. Godin, Juan A. Varela, Zhenghong Gao, Noémie Danné, Julien P. Dupuis, Brahim Lounis, Laurent Groc and Laurent Cognet  Nature Nanotechnology, 2016 (21 novembre)

 

Laurent Groc
Laurent Groc

Laurent Groc : L’exploration du cerveau et la compréhension de la communication cellulaire sont parmi les plus grandes aventures scientifiques du siècle à venir. Autant la connaissance sur le fonctionnement des cellules neuronales (neurones et cellules gliales) a explosé au cours des dernières décennies, grâce notamment à l’avènement d’approches de microscopies de pointe et d’optogénétique, autant la compréhension du monde extracellulaire du cerveau en est encore à ses balbutiements. Par exemple, les dimensions et la fluidité de l’espace entre les cellules du cerveau restent très mal connues. Pourtant, ces espaces sont le lieu de transit de toutes les molécules (nutriments, hormones, neurotransmetteurs, etc.) nécessaires à la communication entre cellules et donc au fonctionnement cérébral. Métaphoriquement, les connaissances scientifiques permettent aujourd’hui de comprendre la structure et le fonctionnement général des voitures mais les chercheurs n’ont pas la moindre idée de l’état et du plan des routes dans lesquelles elles circulent !

Des physiciens et neurobiologistes du Laboratoire Photonique, numérique et nanosciences (LP2N, unité CNRS, université de Bordeaux et Institut d’Optique Graduate School) et de l’Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS, unité CNRS et université de Bordeaux) ont développé une nouvelle approche de pointe basée sur le suivi de nanotubes de carbone dans le cerveau. Leur prouesse est d’avoir réussi à suivre ces nanotubes de carbone, rendus biocompatibles et bioluminescents, un par un et in vivo. C’est une première en la matière dans ce domaine. La morphologie du nanotube de carbone est adéquate, suffisamment fine pour serpenter dans les espaces, et suffisamment grande pour freiner ses mouvements et laisser le temps de le détecter en imagerie (contrairement aux molécules trop rapides par exemple).

Les chercheurs ont pu ainsi cartographier l’espace extracellulaire dans du tissu cérébral vivant intact avec des résolutions inégalées. En adaptant des méthodes de microscopie de super-résolution, ils ont pu aussi observer la diversité des espaces neuronaux à l’échelle nanométrique et la fluidité du milieu dans lesquels les molécules du cerveau évoluent.

Les chercheurs ont poussé plus loin leur recherche. Grâce à cette technique, ils ont suivi l’évolution d’un tissu neuronal avant et après action d’une enzyme dégradant ce milieu. En effet, des découvertes récentes ont mis en avant le rôle probable du milieu extracellulaire dans la genèse de troubles psychiatriques comme la schizophrénie et neurologiques comme les maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, d’Alzheimer par exemple). Son exploration fine permettra donc de mieux décrypter son fonctionnement et son rôle physiologique et pathologique. Cette avancée est le fruit d’un travail interdisciplinaire intense, nécessitant des avancées majeures dans les domaines de la microscopie de super-résolution, des nanosciences et de la neurobiologie, développé dans le cadre d’un projet interlabex de l’Idex Bordeaux entre Brain et Laphia appelé Extrabrain. Elle ouvre la voie à l’exploration et la compréhension du milieu dans lequel toutes les cellules du cerveau grandissent, communiquent et s’adaptent.

Contacts chercheurs
Laurent Cognet Directeur de recherche CNRS Laboratoire Photonique, numérique et nanosciences (unité CNRS, université de Bordeaux et Institut d’Optique Graduate School) – 05 57 01 72 07

Laurent Groc Directeur de recherche CNRS Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS, unité CNRS et université de Bordeaux)) – 05 33 51 47 02

PubMed abstract
The brain is a dynamic structure with the extracellular space (ECS) taking up almost a quarter of its volume. Signalling molecules, neurotransmitters and nutrients transit via the ECS, which constitutes a key microenvironment for cellular communication and the clearance of toxic metabolites. The spatial organization of the ECS varies during sleep, development and aging and is probably altered in neuropsychiatric and degenerative diseases, as inferred from electron microscopy and macroscopic biophysical investigations. Here we show an approach to directly observe the local ECS structures and rheology in brain tissue using super-resolution imaging. We inject single-walled carbon nanotubes into rat cerebroventricles and follow the near-infrared emission of individual nanotubes as they diffuse inside the ECS for tens of minutes in acute slices. Because of the interplay between the nanotube geometry and the ECS local environment, we can extract information about the dimensions and local viscosity of the ECS. We find a striking diversity of ECS dimensions down to 40 nm, and as well as of local viscosity values. Moreover, by chemically altering the extracellular matrix of the brains of live animals before nanotube injection, we reveal that the rheological properties of the ECS are affected, but these alterations are local and inhomogeneous at the nanoscale.


ExtraBrain ?

Projet soutenu par le LabEx BRAIN, soumis et soutenu par l’IdEx Bordeaux.

ExtraBRAIN (06/2014 à 06/2016) : projet réunissant les communautés et expertises de LAPHIA et BRAIN. Objectif : comprendre le rôle de l’espace extracellulaire neuronal dans la communication entre neurones à l’aide de méthodes de nano-imagerie optique

L’idée du projet ExtraBrain est née d’un double constat : le vide méthodologique pour sonder la structure intime de l’espace extracellulaire du cerveau et l’hypothèse que cet espace extracellulaire joue un rôle clé  dans la physiologie et dans les pathologies du cerveau (en particulier dans les maladies de Parkinson et Alzheimer). La discussion entre 4 chercheurs bordelais de disciplines différentes a permis de proposer de nouvelles méthodes pour sonder cet espace afin d’en comprendre le rôle physio-pathologiques. Dans ce projet, il s’agit donc à la fois de proposer une avancée méthodologique et conceptuelle, les deux étant intimement liées puisque des outils et concepts totalement nouveaux en nanophysique, chimie et neurobiologie ont été proposés pour monter ce projet. 

Publication: 28/11/16
Mise à jour: 20/03/18