
Women’s voices: Ellemarije Altena
Pour ce nouvel épisode de notre série Women’s voices, Milesa Simic, doctorante à l’IMN, a rencontré Ellemarije Altena, maîtresse de conférences à l’INCIA.
Milesa Simic: Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?
Ellemarije Altena: Après mon doctorat à Amsterdam, aux Pays-Bas – je suis d’origine néerlandaise -, et un postdoctorat à Cambridge, au Royaume-Uni, je suis arrivée à Bordeaux en 2014. Tout au long de ma carrière, j’ai souvent combiné des projets de recherche avec un travail clinique et de l’enseignement. J’ai également travaillé pour plusieurs entreprises, aussi bien pendant mon doctorat, que par la suite dans mes différentes fonctions. Avec le recul, cette combinaison a toujours été une source d’inspiration pour imaginer de nouveaux projets de recherche.
Quels ont été, selon vous, les défis personnels et professionnels les plus importants que vous ayez eu à relever pour atteindre ce stade de votre carrière ?
On conseille toujours aux étudiantes et aux étudiants de partir à l’étranger, pendant leur cursus ou une fois diplômés. Je donnerais le même conseil. Mais, pour ma part, déménager dans trois pays différents en dix ans et devoir apprendre à chaque fois une nouvelle langue et une nouvelle culture, aussi excitant et enrichissant que cela puisse être, a parfois été un défi, en particulier avec une famille. De la même manière, bien que travailler dans différents domaines de recherche ait été une expérience enrichissante, cela a aussi ajouté une part de difficulté. Il y a un équilibre délicat à trouver entre la nécessité d’une internationalisation des jeunes chercheurs et la stabilité nécessaire pour développer nos recherches et nos carrières.
Comment avez-vous équilibré votre travail postdoctoral avec le développement de votre projet de recherche actuelle ?
Pendant mon doctorat et mon postdoctorat, j’ai appris à mettre en place un projet de recherche de manière efficace et réussie. À l’Université de Cambridge, par exemple, on rencontre quotidiennement des scientifiques très accomplis, et on apprend énormément lors des séances de brainstorming, d’analyse de données et de rédaction d’articles. Mais, pour la recherche sur l’humain, des aspects pratiques sont tout aussi essentiels : la disponibilité de bases de données de volontaires et de patients, l’accès local aux équipements et aux infrastructures pour la collecte et l’analyse des données, ainsi que la présence de personnel spécialisé. Tout cela facilite considérablement la productivité scientifique. L’expérience acquise durant mon postdoctorat m’aide aujourd’hui à évaluer la faisabilité de mes recherches et à les adapter aux circonstances et au contexte local. Par exemple, mes recherches sur l’activité cérébrale dans l’insomnie ont évolué d’une investigation des fonctions cognitives vers les fonctions affectives, tout en intégrant désormais les fonctions vestibulaires dans le cadre d’une collaboration avec la plateforme d’analyse du mouvement (PAM), à l’INCIA.
Si vous pouviez remonter dans le temps, à quel moment de votre carrière retourneriez-vous et que changeriez-vous ?
C’est une question difficile ! J’y ai réfléchi longuement, mais j’ai réalisé que je ne changerais rien, car j’ai toujours pris mes décisions après une mûre réflexion. Tout n’a pas toujours bien fonctionné, mais j’ai appris de ces moments et j’applique encore ces enseignements au quotidien… en particulier ce que j’ai appris de mes échecs !
Selon vous, quels sont les défis les plus importants que vous anticipez en tant que femme occupant une position de leadership en neurosciences ?
Même si je n’ai pas vécu cela en personne, je sais qu’en général, les femmes ont plus de difficultés que les hommes, et je vois des exemples autour de moi. Hommes et femmes doivent être attentifs au choix de leurs conditions de travail pour optimiser leur carrière. Concernant le leadership, je me suis toujours sentie respectée par mes collègues et mes étudiants.
Si vous aviez un conseil à donner aux jeunes chercheuses, quel serait-il ?
Insistez ! Si vous êtes vraiment passionnée par la science, montrez constamment votre enthousiasme, vos compétences et votre envie d’apprendre ! J’accompagne souvent des étudiantes en Master et en doctorat dans leurs choix de carrière, et je constate qu’elles sous-estiment souvent leurs capacités. Il faut persévérer, faire du lobbying, poursuivre ses objectifs, mais aussi prévoir un plan B, voire un plan C et D. C’est pourquoi je leur conseille souvent, en parallèle d’une carrière scientifique, de développer des compétences techniques précieuses, qui peuvent s’avérer utiles si la carrière scientifique ne fonctionne pas ou devient frustrante. C’est parfois l’inspiration tirée de ces autres compétences qui permet aussi de continuer à avancer en science.
A propos
Entretien par Miles Simic (doctorante à l’IMN)
Women’s Voices (Voix de femmes) est une série d’entretiens créée par le journal Brainstorm et par le Neurocampus Parity and Inclusion Committee (NeuroPIC), groupe local engagé dans la promotion de l’égalité et l’organisation d’actions visant à combler le fossé entre les femmes et les hommes dans le monde universitaire L’objectif de cette section est d’accroître la visibilité des chercheuses en début de carrière à Bordeaux Neurocampus. Nous interrogeons les chercheuses sur leurs contributions scientifiques, leurs points de vue et leurs opinions sur l’équité, la diversité et les préjugés sexistes dans le monde universitaire. Grâce à ces entretiens, nous souhaitons non seulement mettre en lumière leurs réalisations, mais aussi servir d’inspiration à notre communauté scientifique et à d’autres femmes scientifiques.
Mise à jour: 19/09/25