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Effets bénéfiques de la chrononutrition sur les altérations de mémoire induites par une alimentation obésogène

La consommation d’un régime obésogène, riche en gras et en sucre, pendant l’adolescence est associée à des troubles de la mémoire. Guillaume Ferreira, du laboratoire NutriNeuro, a reproduit cette condition chez le rongeur et défini le type de mémoire affecté ainsi que les réseaux neuronaux impliqués. La consommation d’un régime obésogène est également connue pour perturber les rythmes biologiques avec un décalage de l’alimentation par rapport au cycle jour/nuit. Le projet ANR MAORI, dirigé par Marie-Pierre Moisan, du laboratoire NutriNeuro, vise à évaluer si une alimentation restreinte dans le temps (chrononutrition) – sans restriction calorique – peut atténuer ou inverser les effets négatifs d’un régime obésogène sur le métabolisme, le cerveau et les fonctions de la mémoire chez la souris. Le consortium du projet a tenté d’identifier les mécanismes neuronaux, aux niveaux moléculaire, cellulaire, et du comportement, altérés par la consommation à volonté d’un régime obésogène et prévenus par la chrononutrition. Deux articles ont été publiés récemment sur le sujet :

La première étude de Helbling JC et al. a été publiée dans Molecular Metabolism fin 2024. Elle montre que chez des souris mâles qui consomment une alimentation obésogène pendant 3 mois à partir du sevrage, la chrononutrition au cours du dernier mois restaure la rythmicité des paramètres métaboliques et prévient les troubles de la mémoire, quel que soit le taux de gras corporel. Des analyses moléculaires menées dans l’hippocampe, combinant le séquençage de l’ARN et la méthode pS6-TRAP (purification des ARN messagers dans les cellules activées), ont révélé que le régime obésogène altérait la signalisation des hormones thyroïdiennes ainsi que l’expression des gènes astrocytaires impliqués dans la neurotransmission du glutamate. La chrononutrition a rétabli l’expression rythmique de ces gènes dans l’hippocampe. Notamment, l’infusion de T3 (la forme active des hormones thyroïdiennes) dans l’hippocampe a inversé les déficits de mémoire chez les souris nourries en continu avec le régime obésogène, soulignant le rôle central de la signalisation thyroïdienne dans le lien entre la nutrition, la fonction de mémoire dépendante de l’hippocampe et les rythmes circadiens.

En utilisant le même modèle murin de consommation précoce d’un régime obésogène et l’approche de chrononutrition, le consortium MAORI a étudié la plasticité cérébrale à travers la dynamique des épines dendritiques par imagerie bi-photonique grâce à notre collaborateur Freddy Jeanneteau de l’IGF à Montpellier, France. L’étude de Chakraborty et al. a été publiée dans eBioMedicine en juillet 2025. Chez les souris mâles et femelles, l’altération des performances mnésiques due à l’accès à volonté à un régime obésogène, est associée à des modifications opposées de la dynamique des épines dendritiques ainsi que l’activité neuronale dans le cortex et l’hippocampe : une augmentation du nombre d’épines dendritiques et de l’activité neuronale est observée dans l’hippocampe, tandis qu’une diminution est constatée dans le cortex pariétal. La chrononutrition a induit un remodelage dynamique des épines dendritiques, corrigé les anomalies d’activité neuronale et rétabli les performances de mémoire. Par ailleurs, la manipulation chemogénétique ciblée de l’activité neuronale – via l’inhibition de l’hippocampe, l’activation du cortex ou la combinaison des deux – a permis de prévenir les déficits de mémoire induits par le régime obésogène. Enfin, cette étude a permis d’identifier la signalisation glucocorticoïde comme moteur des changements cérébraux dans le cadre d’une alimentation obésogène à volonté.

Voir l’article sur CNRS Biologie : https://www.cnrs.fr/endirectdeslabos/Lettre.aspx

L’ensemble de ces études montre que la chrononutrition est une intervention « naturelle » puissante pour contrecarrer les conséquences métaboliques et cérébrales d’une exposition précoce à un régime obésogène. En outre, nos résultats ouvrent de nouvelles voies pour des stratégies thérapeutiques ciblant la signalisation thyroïdienne et glucocorticoïde.

Références

Helbling JC, Ginieis R, Mortessagne P, Ruiz-Gayo M, Bakoyiannis I, Ducourneau EG, Ciocca D, Bouleté IM, Favereaux A, Ces A, Montalban E, Capuron L, Jeanneteau F, Ferreira G, Challet E, Moisan MP.
Time-restricted feeding prevents memory impairments induced by obesogenic diet consumption, via hippocampal thyroid hormone signaling.
Molecular Metabolism. 2024 Dec; 90:102061.
doi: https://doi.org/10.1016/j.molmet.2024.102061

Chakraborty P, Dromard Y., André EM, Dedin M, Arango-Lievano M, Raner A, Besnard A, Santos Silva T, Helbling JC, Ferreira G, Challet E, Moisan MP, Jeanneteau F.
Meal scheduling corrects obesogenic diet induced-uncoupling of cortico-hippocampal activities supporting memory.
eBioMedicine 2025;117: 105783
doi: https://doi.org/10.%201016/j.ebiom.2025.%20105783

Publication: 25/08/25
Mise à jour: 26/08/25