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Women’s voices: Céline Nicolas

Céline Nicolas. Créait photo : Anaud Rodriguez, université de Bordeaux
Céline Nicolas

Pour ce nouvel épisode de notre série Women’s voices, Milesa Simic a rencontré Céline Nicolas, responsable de l’équipe NEED à l’INCIA depuis janvier 2024. Elle revient sur son parcours et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Milesa Simic : Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?

Céline Nicolas : J’ai un parcours académique assez classique. Mon objectif initial était de devenir professeure de biologie. J’ai donc commencé une licence de biologie à l’Université de Limoges, que j’ai terminée à l’Université de Poitiers avec une spécialisation en Physiologie Animale et Neurosciences. Cette troisième année de licence a été une révélation, c’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais m’orienter vers les neurosciences et devenir chercheuse. J’ai donc poursuivi avec un master en Physiologie, Pharmacologie et Neurosciences. Pendant mon master, mes stages portaient sur la transplantation cellulaire dans des modèles murins de maladies neurodégénératives. De là est née la question centrale qui guide encore mes recherches aujourd’hui : comprendre le cerveau en conditions pathologiques et comment lui rendre ses fonctions physiologiques ?

À l’issue du master, j’ai naturellement souhaité poursuivre en thèse. J’ai alors passé plusieurs concours d’écoles doctorales mais sans succès, puis j’ai eu la chance que Dr. Marcello Solinas me propose de rejoindre son équipe au Laboratoire de Neurosciences Expérimentales et Cliniques à Poitiers. J’y ai étudié l’impact des facteurs environnementaux sur la vulnérabilité à la rechute aux drogues. Après la thèse, j’ai effectué une année en tant qu’attachée temporaire d’enseignement et de recherche dans le même laboratoire.

J’ai ensuite entamé mon premier postdoctorat au National Institute on Drug Abuse (NIDA) à Baltimore, encadrée par Dr. Yavin Shaham et Dr. Satoshi Ikemoto. Durant ces trois ans et demi, je me suis intéressée à l’influence du sexe sur la vulnérabilité à la rechute. Forte de ma formation en neurosciences comportementales, j’ai voulu approfondir mes connaissances sur les neurosciences des circuits. J’ai donc débuté un second postdoctorat dans le laboratoire de la Dr. Anna Beyeler, au Neurocentre Magendie, Bordeaux Neurocampus. Pendant ces quatre ans et demi, j’ai étudié le rôle du cortex insulaire et de ses projections dans les comportements anxieux.

L’équipe de Céline Nicolas en juin 2025.

En fin de postdoctorat, j’ai postulé au programme ATIP-Avenir, dont j’ai été lauréate. Cela m’a permis de créer mon équipe de recherche à l’Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d’Aquitaine (INCIA), Bordeaux Neurocampus, en janvier 2024. La même année, j’ai obtenu un poste de chargée de recherche au CNRS.

Selon vous, quels ont été les défis personnels et professionnels les plus importants que vous ayez eu à relever pour atteindre ce stade de votre carrière ?

Ce n’est pas une question simple, car devenir chercheuse implique une succession de petits défis, à la fois personnels et professionnels. Si je devais en citer quelques-uns, sur le plan personnel, le plus marquant a sans doute été de partir seule avec mes deux valises pour les États-Unis, afin de débuter mon premier postdoctorat. Je ne savais pas exactement à quoi m’attendre, ni si j’avais toutes les compétences requises pour ce poste. Finalement, cette expérience s’est révélée être l’une des plus enrichissantes, tant sur le plan personnel que professionnel.

Sur le plan professionnel, un défi important a été de réussir à partager et faire entendre mes idées scientifiques. Cela n’a pas toujours été facile, je sais que parfois mes idées n’étaient pas prises en considération du fait que je sois une femme. Néanmoins cette situation, bien que longue et difficile, n’a été qu’un cas isolé dans ma carrière.

Comment avez-vous équilibré votre travail postdoctoral avec le développement de votre projet de recherche actuelle ?

Les différents projets de recherche que j’ai menés pendant mes postdoctorats ont progressivement façonné l’axe de recherche actuel de mon équipe. Durant cette période, j’ai dû jongler entre la réalisation des expériences nécessaires à l’avancement de mes projets, la rédaction de demandes de financement et la maturation de mon projet scientifique. Mon second postdoctorat a représenté une étape charnière dans ma carrière, en particulier en vue des concours de chargé de recherche. J’ai alors eu la chance de pouvoir me consacrer pleinement à certaines démarches clés, comme la demande de financement pour le programme ATIP-Avenir. Cela a été possible notamment grâce à l’appui de Claudia Fornari, la doctorante que j’encadre, qui a pris le relais sur la majorité des expériences, ce qui m’a été d’une grande aide. Concilier un travail de postdoctorat avec le développement d’un axe de recherche indépendant demande un investissement important. Mon principal conseil serait d’établir une relation de confiance avec son encadrant, son soutien est fondamental dans cette phase souvent stressante.

Si vous pouviez remonter dans le temps, à quel moment de votre carrière retourneriez-vous et que changeriez-vous ?

Je ne changerai rien car je sais que chaque étape, les bonnes comme les plus difficiles, ont été importantes pour en arriver là où je suis aujourd’hui. Je sais également que chaque moment vécu jusqu’ici m’a permis une réflexion importante sur l’environnement professionnel que je souhaitais créer au sein de mon équipe afin de ne pas reproduire ce qui a pu être difficile pour moi.

Selon vous, quels sont les défis les plus importants que vous anticipez en tant que femme occupant une position de leadership en neurosciences ?

Je pense que la position de leadership vient avec son lot de défis, que l’on soit un homme ou une femme. Pour ma part, j’ai pris ces responsabilités en même temps que je suis devenue maman et j’ai réalisé qu’il n’est pas toujours facile de concilier obligations professionnelles et vie familiale. Mais j’ai confiance, je suis convaincue que l’on peut mener de front, une belle carrière scientifique et une vie familiale épanouie.

Si vous aviez un conseil à donner aux jeunes chercheuses, quel serait-il ?

Mon conseil principal est de bien s’entourer. Pendant le doctorat et le postdoctorat, avoir un ou plusieurs mentors est essentiel, ce sont des personnes qui vous soutiennent au quotidien et vous aident à atteindre vos objectifs de carrière. Je demande toujours conseil à mes mentors de thèse et de postdoctorat aujourd’hui. Pour les jeunes chercheuses, il est aussi crucial de s’entourer de collègues bienveillants avec qui échanger librement, tant sur le plan scientifique que sur les choix importants liés à son évolution de carrière. Ces personnes sont aussi là pour vous aider au quotidien, avec des petites choses qui peuvent sembler anodines mais qui sont très précieuses en début de carrière. Enfin, faites-vous confiance, communiquez, osez et persévérez.

A propos

Entretien par Miles Simic (doctorante à l’IMN)

Women’s Voices (Voix de femmes) est une série d’entretiens créée par le Neurocampus Parity and Inclusion Committee (NeuroPIC), un groupe local engagé dans la promotion de l’égalité et l’organisation d’actions visant à combler le fossé entre les femmes et les hommes dans le monde universitaire. L’objectif de cette section est d’accroître la visibilité des chercheuses en début de carrière à Bordeaux Neurocampus. Nous interrogeons les chercheuses sur leurs contributions scientifiques, leurs points de vue et leurs opinions sur l’équité, la diversité et les préjugés sexistes dans le monde universitaire. Grâce à ces entretiens, nous souhaitons non seulement mettre en lumière leurs réalisations, mais aussi servir d’inspiration à notre communauté scientifique et à d’autres femmes scientifiques.

Voir la série d’entretiens

Publication: 25/06/25
Mise à jour: 25/06/25