
Women’s voices – Anushka Nair
Ce mois-ci, dans Women’s Voices, Sara Carracedo a interviewé Anushka Nair, une doctorante originaire d’Inde qui travaille à l’IINS dans l’équipe de Jonathan Elegheert. Dans cet entretien, elle nous fait part de son parcours universitaire et de son opinion sur certains défis auxquels les étudiants internationaux peuvent être confrontés lorsqu’ils travaillent en Europe.
Sara Carracedo : Pourriez-vous présenter votre parcours universitaire ?
Anushka Nair : Je suis en quatrième année de doctorat à l’IINS sous la direction de Jonathan Elegheert. Je suis originaire d’Inde et c’est là que j’ai fait mes études jusqu’à une licence d’ingénierie en biotechnologie à Mumbai. J’ai ensuite obtenu une bourse pour le programme Neurasmus, ce qui m’a permis de faire la première année de mon master à Amsterdam et la deuxième année à Bordeaux. En 2021, j’ai commencé mon projet de doctorat intitulé « Targeting synaptic proteins and receptors with synthetic Nanobodies » (Ciblage des protéines et récepteurs synaptiques avec des nanocorps synthétiques).
Pourriez-vous nous en dire plus sur vos recherches et sur les résultats obtenus au cours de votre doctorat ?
Mon projet de doctorat vise à développer des outils moléculaires qui seront utilisés pour déterminer la composition et le trafic des iGluRs, un type de récepteurs au glutamate de la synapse. Les iGluRs jouent un rôle central dans le fonctionnement du système nerveux des vertébrés. Ils sont notamment connus pour assurer la transmission glutamatergique rapide dans 80% des synapses du cerveau.
Au cours de mon doctorat, j’ai eu l’occasion de présenter mon travail lors de conférences réputées et de rencontrer des experts du monde entier. J’ai également eu la chance de faire partie des comités « Femmes et sciences », ce qui m’a permis de partager mes expériences avec d’autres jeunes chercheuses. En outre, mon expérience ici m’a donné l’occasion d’aider les jeunes Indiens qui sont enthousiastes dans le domaine des neurosciences.
Pouvez-vous décrire l’état de la recherche en neurosciences et les possibilités offertes dans votre pays d’origine, l’Inde ? Comment cela se compare-t-il à ce que vous avez connu en Europe ?
La recherche en neurosciences en Inde s’est développée régulièrement et plusieurs institutions de premier plan dans le pays se sont concentrées sur différents courants de recherche tels que les neurosciences cognitives, les neurosciences computationnelles et les neurosciences cliniques. Différentes organisations gouvernementales, dont le département de biotechnologie (DBT), le Conseil indien de la recherche médicale (ICMR) et le Conseil de la recherche scientifique et industrielle (CSIR), fournissent un financement substantiel et diverses plateformes pour la recherche en neurosciences.
Par rapport à l’Europe, il est encore nécessaire de renforcer les infrastructures dans les universités et d’encourager les personnes talentueuses à poursuivre leurs recherches dans le pays même.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées afin d’étudier ou de mener des recherches en Europe ? Cela a-t-il eu un impact sur votre travail ?
En tant qu’étudiante non ressortissante de l’UE, la procédure de demande de visa a vraiment été une période de test. Les documents requis et les approbations nécessaires ont pris beaucoup de temps, ce qui était très stressant car on se trouve dans un état constant d’incertitude, jusqu’à ce que l’on reçoive le feu vert des différentes administrations. En outre, le processus de demande de permis de recherche s’est déroulé pendant la période COVID, ce qui a compliqué les choses puisque je n’ai pas pu me rendre en Inde pour compléter la demande et que j’ai dû tout faire en Europe.
Cela a affecté mon travail en terme de temps et d’énergie, puisque je devais voyager entre la Belgique, les Pays-Bas et la France pour obtenir le permis. De plus, je devais me préparer à une situation où mes recherches seraient suspendues si je devais retourner en Inde dans des circonstances immédiates.
Selon vous, quel est l’impact de la difficulté d’obtenir des visas sur l’échange global de connaissances et d’idées au sein de la communauté des neurosciences ? Quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour permettre aux chercheurs internationaux de travailler plus facilement en Europe ?
Je comprends les aspects juridiques et les restrictions qui accompagnent les procédures d’obtention de visas. Toutefois, à mon avis, la lenteur de ces procédures a un impact négatif sur l’échange de connaissances et d’idées. Elles restreignent la mobilité entre les différents laboratoires et limitent donc l’accès aux ressources. En outre, les expériences, qui sont sensibles au facteur temps, peuvent être affectées. Cela entraîne des retards dans les résultats et une baisse générale de la productivité de la recherche.
L’une des mesures essentielles qui, selon moi, pourrait aider la communauté serait de disposer d’une certaine flexibilité en ce qui concerne les délais d’obtention des permis ou des visas. En outre, des méthodes accélérées pour accélérer les approbations seraient vraiment utiles, en particulier dans les cas où le chercheur a juste besoin d’une prolongation de quelques mois ou d’une année pour achever son travail.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres femmes étrangères en début de carrière qui souhaitent poursuivre un doctorat en Europe ?
Ayant passé plus de cinq ans en Europe, je recommanderais vivement aux chercheuses de venir en Europe et d’y découvrir l’environnement de recherche. Je pense que la culture du travail et l’éthique sont très enrichissantes ici. Le seul conseil que je donnerais serait d’être consciente de la manière dont le système fonctionne et des document administratifs requis tout au long du séjour. Cela dit, planifiez votre doctorat en tenant compte des difficultés liées aux procédures d’obtention de visa, afin que votre travail ne soit pas trop affecté lorsque de tels problèmes surviennent.
Mise à jour: 25/04/25